Architectures



Architectures expérimentales 1950-2000

----------Architecture-sculpture
Sculptures-habitacles d'André Bloc, dont les formes libres déploient un espace topologique ;
projets organiques des Cité aérienne et Cité spirituelle, de l'église du Carmel de St-Saulve,
construite à Valencienne par Székely ; ou encore, le projet de maison biologique de l'artiste
James Guitet. Au même moment, des architectes développent des formes biomorphiques et
sculpturales, ainsi Ricardo Porro en France ou Vittorio Giorgini en Italie.


André Bloc: Habitacle n°2, Meudon (1964)



----------Monolithes
 En 1968, le tout jeune architecte en chef d'Aéroports de Paris, Paul
Andreu, réalise la construction de l'aérogare de Roissy I : soulevé par des pilotis, ce " globe "
de béton brut, qui renvoie à la sphère terrestre, est creusé d'un cratère central qui lui apporte
la lumière. Roissy I, au rythme centripète, est une forme close et monolithique, qui se ramifie
en même temps tout autour à travers sept constructions satellites. Ce double mouvement de
concentration-expansion, unité et dissémination, détermine une architecture complexe, l'une
des plus marquantes de l'architecture contemporaine.

 Paul Andreu, l'aérogare de Roissy


----------Structures spatiales
 Les recherches sur la morphologie des structures de David
Georges Emmerich le mènent vers 1958 aux assemblages de structures autotendantes. On
retrouve la notion de " grille spatiale " dans cet espace combinatoire où les éléments de
tension et de compression sont diffusés en continu à travers l'articulation d'éléments
modulaires identiques. Les structures d'Emmerich rendent compte d'un univers
cristallographique invisible, qui se réfère notamment aux dômes géodésiques de
Buckminster Fuller, à l'étude des radiolaires de Robert Le Ricolais dans les années 1930. À
la masse de l'architecture, Emmerich substitue la structure. Les structures autotendantes
d'Emmerich permettent d'engendrer des habitacles ellipsoïdes, sphériques, nervurés,
autostables et déplaçables. Outre de nombreuses structures autotendantes et de dessins,
dans la cour des Subsistances militaires, sera exposée, une structure de plusieurs mètres
d'envergure, " structure-structure " avait dit Emmerich, comme il y a de la " peinture-peinture
".



  • David Georges Emmerich, Trame double nappe planaire formée par un assemblage de tétraèdres. Station spatiale, s. d.
  • Maquette
  • Bois, métal
  • 15 x 60 x 60 cm
  • 996 01 30


  ----------Villes spatiales
 Le concept de mobilité est aussi mis en oeuvre, en France, par
Yona Friedman. À partir de recherches sur les structures spatiales, il développe un système
proliférant qui procède par interpénétration de strates ou de " nappes ". En 1956, Friedman
expose, pour la première fois, ses théories au CIAM de Dubrovnik (Xème Congrès
International d'Architecture Moderne) et fonde en 1958 le GEAM (Groupe d'Étude
d'Architecture Mobile) qui propose une mobilité potentielle de l'habitat. Ses Villes spatiales
sont des villes suspendues sur pilotis, qui se répartissent sur plusieurs niveaux à partir d'une
structure tridimensionnelle. L'habitant déplace librement son habitat à partir de la trame de
cette grille. Les propositions de Friedman seront très influentes sur le développement de
l'architecture métaboliste au Japon des années 1960/70 (Kurokawa). En Allemagne,
Schulze-Fielitz expérimente à la même époque des villes spatiales tridimensionnelles, ainsi
que Martin Pinchis en France. Giorgini poursuivra également ces recherches aux États-Unis.
La postérité des Villes spatiales s'étend aux projets récents d'architectes ainsi ceux de
MVRDV aux Pays-Bas.

Ville Spatiale / Architecture mobile Yona Friedman



----------L'architecture-cellule : Haüsermann - Chanéac - Antti Lovag
 L'exploration de la mobilité en architecture dans les années 60 conduit à la définition d'un nouvel espace, fait de modularité, de prolifération et d'agglomération de cellules. Matières plastiques, coque
monobloc, vont permettre à la notion d'assemblage de cellules autonomes et connectées
entre elles de se déployer. Dès les années 1950, en France, les recherches sur les
matériaux plastiques débouchent sur la conception d'unités d'habitations autonomes. En
1956, un jeune architecte à peine arrivé de Roumanie, Ionel Schein, expose à Paris le
premier prototype d'une maison en plastique, détaché du sol comme pour mieux démontrer
sa légèreté, qui connaîtra un succès phénoménal et une postérité considérable. La même
année, il réalise avec ses Cabines hôtelières les premiers modules autonomes d'habitat, qui
peuvent être transportés et installés n'importe où. Ce sont ensuite Pascal Haüsermann et
Chanéac qui, en France et en Suisse, à partir de recherches sur les matériaux plastiques,
développeront vers le début des années 1960 une architecture tout à la fois organique et
modulaire constituée d'agglomération de cellules. Des prototypes de cellules de Chanéac et
d'Haüsermann seront exposés dans la cour des Subsistances militaires. Le phénomène
d'autoconstruction, que revendiquera Antti Lovag avec l'habitalogie, devient également la
préoccupation de nombreux architectes des années 1960-70. Ce principe d'évolutivité de
l'habitat, de sa mobilité, de son extrême économie de moyens, développé à travers des
formes organiques, laisse à l'habitant une liberté d'adaptation dans l'extension ou la
combinatoire des cellules entre elles.


Ionel Schein: maison escargot entièrement en plastique

  • Chanéac, cellules amphores, 1973
  • Maquette
  • Plâtre, métal, adhésif, carton, bois
  • 8 x 40 x 36 cm

----------Archigram
 Cette architecture sans fondation est explorée par Arthur Quarmby et
Archigram en Angleterre, qui développent des cellules proliférantes qui se " pluggent ", se
branchent les unes aux autres, comme des circuits de distribution de flux. Le FRAC Centre
possède, dans ses collections, deux projets-phare d'Archigram, Instant City (1969) de Peter
Cook et le Living Pod (1966) de David Greene. L'efflorescence du pop art, qui s'approprie la
culture populaire, la nouvelle société médiatique, l'univers électronique, la découverte de
l'espace, se répercutent dans les projets d'Archigram. L'habitat devient lui-même un objet,
jetable, consommable, éphémère, déclare ainsi Guy Rottier en France, dans les années
1950, qui imagine alors des villages en carton à brûler après usage. Le Living Pod de David
Greene est tout à la fois un habitat mobile, une enveloppe vestimentaire, une capsule
aéronautique, équipée d'un " kit " intégral. Instant City de Peter Cook est une ville nomade,
qui se déplace, élément par élément, héliportée par des dirigeables ou des montgolfières.
Tout se passe comme si l'intensité des flux d'informations de la nouvelle société de
consommation s'infiltrait dans la ville. Instant City, la " ville instantanée ", se pose sur une
ville existante, où elle crée un événement qui sera " architecture ". Pour Archigram,
l'architecture doit créer une " situation ". Ville-réseau ou premier village global, Instant City
n'est plus assujettie à une logique de localisation ; elle est itinérante, et suit les flux de
l'événement et de la circulation de l'information. Déjà, en 1928, Buckminster Fuller avait
imaginé une ville aérienne. Cette architecture-événement, qui se donne dans l'instant, pose
la question : l'architecture comme objet construit est-elle encore légitime ? Vers 1968, un
groupe new-yorkais, ONYX, crée ainsi la " mail architecture ", architecture n'existant que par
la voie du courrier.



Archigram Revisited, Megastructures Reloaded, Berlin



 Instant City (1969) de Peter Cook

----------Architecture gonflable
 Cette ville-dirigeable témoigne de l'importance de l'architecture pneumatique à la cette époque. En mars 1968, a lieu une exposition historique
sur les structures gonflables au Musée d'Art Moderne de la Ville de Paris. Cette architecture
de l'air se revendiquait, chez Archigram, comme une " non-architecture ". La mobilité prend
des connotations plus sociales et politiques chez le groupe Utopie (Stinco, Jungmann et
Aubert) qui, en 1968, élabore plusieurs projets d'architecture pneumatique. H.W. Müller
développe lui aussi des projets d'architecture gonflable à partir de structures
tridimensionnelles, tout comme Arthur Quarmby en Angleterre. Entre mobilité et habitat
domestique, Lotiron/Perriand réalisent un projet de Caravane-Fleur (1967).

Structure gonflable H.W Müller

Lotiron/Perriand Caravane Fleur, 1967-1968




----------Architecture radicale en Autriche : Coop Himmelblau, Haus-Rucker-Co, Huth
Domenig, Walter Pichler.
 Les projets des Autrichiens, Haus-Rucker-Co et Coop Himmelblau
développent des architectures qui se " pluggent " elles aussi sur des bâtiments existants et
se donnent comme des environnements psycho-sensoriels. Ici aussi, le matériau est l'air.
Pour Coop Himmelblau, les nuages sont les symboles d'états rapidement changeants. Ils se
forment et se transforment par le jeu complexe de situations différentes. L'architecture en
tant que développement urbain peut être comparée à des masses nuageuses. Dans cette
période d'activisme viennois, Coop Himmelblau élabore un projet d'habitat-capsule,
assemblage de cellules gonflables, emblématique de l'architecture radicale, Villa Rosa. De
même, Pneumacosm de Haus-Rucker-Co est une unité d'habitation gonflable, accrochée à
une structure urbaine verticale, qui fonctionne comme une ampoule électrique. Dans ces
projets, l'architecture se donne comme une enveloppe tout à la fois pour le corps et pour la
ville, qui permet leur " respiration ", leur pulsation commune. La métaphore récurrente du "
casque ", extension prothétique du corps, se retrouve dans les dessins de Walter Pichler de
cette époque. En 1963, l'artiste Walter Pichler et l'architecte Hans Hollein réalisent à la
galerie Nachst St Stefan à Vienne une exposition historique, " Architektur ". Pichler y
présente son ultime travail d'architecture, à savoir un projet de Ville compacte, présenté pour
la première fois, depuis cette date, dans l'exposition des Subsistances.

----------Mégastructures
 En 1965, Huth et Domenig proposent un projet pour la ville de
Ragnitz en Autriche, qui remporte en 1969 le Grand Prix d'Urbanisme et d'Architecture de
Cannes, s'affirmant comme le projet le plus emblématique de " mégastructure ". La ville
mégastructure se définit par sa capacité infinie d'extension, sa modularité, sa liberté de
planification à travers son ossature ouverte. L'espace urbain s'y donne comme un réseau
d'agglomérations, de libre implantation des cellules d'habitat. L'architecture équivaut à une
infrastructure, préfabriquée industriellement, dans laquelle viennent s'intégrer les " clusters ",
cellules spatiales en matière synthétique, pour les circulations et les habitations. À l'ossature
primaire urbaine, se greffe la structure secondaire des enveloppes climatiques de logement.

----------La Fonction oblique : Architecture-Principe (Claude Parent - Paul Virilio)
 La mobilité est aussi celle des habitants. Dans les projets d'Architecture-Principe, entre 1963 et
1968, le sol se soulève, et le plan oblique génère une architecture du déplacement. Le
principe majeur de la fonction oblique est celui de la " circulation habitable ", rendue possible
à travers les plans inclinés, le sol artificiel et les systèmes de rampes. Parent et Virilio parlent
alors de " dérivation " dans les villes obliques. La fracture du plan détermine la fonction
oblique. Dès 1966, année de la construction de l'église Ste Bernadette du Banlay à Nevers, -
monolithe fracturé en béton brut -, l'architecture se transforme en " plaques topotoniques "
mouvantes dont l'inclinaison incorpore le déplacement physique de l'habitant. Cette
dimension gravitationnelle de l'espace a, encore aujourd'hui, des répercussions dans le
développement récent des architectures cognitives, espaces artificiels animés qui
interagissent avec l'habitant ou leur environnement (Nox, Oosterhuis, etc). Avant sa
rencontre avec Paul Virilio, Claude Parent avait déjà exploré la fracture du plan, l'instabilité à
travers le basculement de cubes ainsi qu'à travers ses premiers dessins de Turbosites et de
Villes-cônes. Paul Virilio avait, quant à lui, déjà mené des recherches sur les bunkers de
l'Atlantique. Tous deux fondèrent ainsi le groupe et la revue " Architecture-Principe " qui
développa la fonction oblique à partir de la " topologie des surfaces orientées ". La plupart
des dessins et maquettes des projets expérimentaux d'Architecture-Principe seront exposés.

----------Grilles et trames urbaines 
Des villes tridimensionnelles de Pinchis aux " villescratères
" de Chanéac, se dessine une organisation de l'espace à la quête d'un idéal
égalitaire, qui se retrouvera dans les compositions géométriques complexes de l'espace
chez Jean Renaudie (ville nouvelle du Vaudreuil, 1967-68) ou chez Renée Gailhoustet. La
recherche d'un nouveau langage, à même de créer de la cohésion dans la diversité, à
travers notamment la prolifération de trames, habitera aussi certains projets d'Andrault Parat
(Lycée d'Orléans-La Source, 1968).

----------Rem Koolhaas, " New York Délire " : la grille comme inconscient urbain
 Le FRAC Centre possède, entre autres, deux dessins majeurs de " NYD " : Flagrant Délit et la
Ville du Globe captif, véritables icônes de l'histoire de l'architecture. Ces dessins sont des
incursions narratives et fantasmatiques dans la " congestion urbaine " de Manhattan, dans le
subconscient machinique de la Ville. La grille est, pour Rem Koolhaas, cet inconscient qui
structure la ville. Cette prégnance de la grille se répercutera dans des projets ultérieurs de
Koolhaas, tel que celui pour La Défense, en 1991, également exposé.

----------L'architecture dans son contexte : James Wines / Gianni Pettena
 Le FRAC Centre a, dans ses collections, un projet construit parmi les plus publiés au monde :
Indeterminate Facade de James Wines/SITE, réalisé à Houston en 1975. Ce bâtiment
commercial, à la façade de briques qui paraît s'effondrer dans l'espace urbain, suspendu
entre construction et démolition, pose la question du contexte, et introduit, pour la première
fois dans l'architecture, de manière aussi radicale, la notion d'indétermination. James Wines
parlera de ce bâtiment comme d'un " ready-made assisté ". Pour Wines, c'est le contexte qui
fait l'architecture. De même, pour Gianni Pettena, qui réalise alors des projets utopiques
intitulés Grass Architecture en 1971, l'architecture naît des soulèvements du sol, de la
matérialisation de son propre contexte. Dans des voies différentes, Wines et Pettena
tenteront de re-naturaliser l'architecture, bien avant la vogue d'une architecture écologique.

----------Architectures biomorphiques : Ricardo Porro et Michele Saee
 Deux démarches, de deux générations différentes d'architectes, sont ici confrontées : celle de l'architecture
antropomorphique aux racines symboliques de Ricardo Porro, à travers, entre autres, les
écoles d'art et de danse de La Havane à Cuba, au début des années 60, aujourd'hui
inscrites au Patrimoine mondial par l'Unesco, et les explorations corporelles de l'architecte
californien Michele Saee qui, depuis les années 90, décompose le corps en mues,
fragments, enveloppes successives qui se détachent telles les pièces d'un vêtement sur un
corps composite et mouvant. Cette métaphore du corps organique se retrouve aussi chez
Hitsuko Hasagawa (Yamanashi Museum of Fruit).

----------L'image éclectique
 Deux projets emblématiques d'une architecture référentielle et post-moderne seront exposés : le célèbre Humana Building (1982-86), construit à Louisville,
dans le Kentucky, par Michel Graves, assemblage éclectique de références architecturales,
et le Teatro del Mondo (1979-81) d'Aldo Rossi, qui flotta sur la lagune de Venise, au
classicisme post-moderne, théâtre renaissant de mémoire, qui puise ses analogies
également dans l'architecture des phares ou encore dans les architectures de fête
éphémères au 18e siècle.

----------Autour de la " déconstruction "
 En 1988, l'exposition " Deconstructivist Architecture
" réunit au MoMA (Musée d'Art Moderne) à New York, autour du philosophe français
Jacques Derrida, des architectes américains et européens, parmi lesquels Frank O. Gehry,
Rem Koolhaas, Eric Owen Moss, Peter Eisenman, Zaha Hadid, Bernard Tschumi et
Daniel Libeskind, chacun mettant en exergue l'activité théorique et la dimension
conceptuelle du projet. Ainsi, pour Peter Eisenman, il est plus urgent de penser l'architecture
que de la réaliser. Depuis les années 1960, celui-ci expérimente à travers la maison son
activité théorique. À ce titre, la Guardiola House (1986/88) ressort d'une architecture "
textuelle ", qui emprunte à la linguistique comme à la psychanalyse. À partir du décalage de
deux cubes qui s'emboîtent l'un dans l'autre, l'architecture est devenue processuelle et
morphogénétique. En 1982, le projet de l'Open House de Coop Himmelblau, détache
l'architecture de tout programme puisqu'il est généré par l'inconscient : un dessin les yeux
fermés, telle une écriture automatique, sera le " psychogramme " du projet, sa matière brute,
d'où émaneront les autres étapes du projet, formalisées par plusieurs maquettes. Ce projet,
qui sera reproduit dans d'innombrables publications, deviendra emblématique de la
déconstruction. En 1983, Bernard Tschumi met en pratique son approche de la
déconstruction à travers le projet du Parc de la Villette, construit à Paris. Le parc se donne
dans la discontinuité, éclaté sur une grille qui distribue " points ", " lignes " et " surfaces ". Le
Parc de la Villette est ainsi le premier parc urbain qui réunit une pluralité de programmes
formels et fonctionnels. Proche des écrits de Derrida, Tschumi met ici en oeuvre la
dissémination, la contamination, la disjonction, qui font imploser toute unité préalable. Il
recourt à la technique cinématographique du montage pour déployer un scénario urbain
hétérogène, qui vise à la collision des fragments entre eux, programmatiques ou spatiaux.
L'architecture est devenue événement. Le projet pour Berlin, Berlin City Edge (1987) de
Daniel Libeskind, architecte du Musée Juif à Berlin et du nouveau World Trade Center à New
York, est l'un des plus importants projets expérimentaux de cet architecte, tout à la fois
artiste, musicien, mathématicien. Berlin City Edge est une vaste exégèse de la ville.
Multipliant les références, ce projet se donne comme un palimpseste urbain qui se déchiffre
dans ses sédimentations complexes, empruntant autant au Talmud qu'à l'histoire de
l'architecture ou à la littérature. Le " texte architectural ", tel que le nomme Libeskind,
englobe tous les textes, toutes les cultures dans leur diversité et leur universalité. La
collection du FRAC Centre intègre aussi des projets importants de la déconstruction
californienne, principalement de maisons inviduelles (Michele Saee, Morphosis, Eric Owen
Moss).

----------Architectures en mouvement
 Dépassant la déconstruction, et développant une
architecture tout à la fois disruptive et interconnectée, puisant dans le dynamisme et la
tension des éléments, surgissent à cette époque des projets remarqués de Dagmar Richter,
Odile Decq et Benoît Cornette, ou encore, Enric Miralles





L'architecture de terre



             L’expression "architecture de terre" désigne l’ensemble des édifices maçonnés en terre crue, et exclut à la fois l’architecture de brique (terre cuite) et les cavités creusées dans les sols meubles qu’on trouve en Andalousie, au sud de la Tunisie et surtout dans la "ceinture de lœss" vivent plus de dix millions de Chinois.

             Le matériau de construction que l’on nomme béton de terre, boue séchée, terre battue, pisé, torchis, adobe est employé depuis au moins dix mille ans. Il a servi à construire les premières villes connues. Aujourd’hui, le tiers de l’humanité vit dans des habitats de cette sorte. Des palais, des fortifications, des villes entières bâtis défient les siècles, s’ils sont annuellement entretenus. Laissés sans soin, ils fondent sans qu’en subsiste la moindre trace.



Le Ksar d'Aït ben Haddou est inscrit sur la liste du patrimoine 
mondial de l' U.N.E.S.C.O depuis 1987.

                 Aït-ben-Haddou est une commune du Maroc située dans la province de Ouarzazate. Elle se présente comme un ensemble de bâtiments de terre entourée de murailles. C'est un exemple frappant de l'architecture du sud marocain traditionnel.
En réalité, ce monument est un Ksar, ce qui désigne un village fortifié issu de la réunion d'une Kasbah et de plusieurs habitations abritant des maisons, des greniers, une étable et un puits, le ksar est un peu plus grand qu'une Kasbah, et sa muraille englobe l'ensemble.


1. Aperçu historique et géographique


           La construction en terre est courante dans toute l’Europe, urbaine et rurale, jusqu’au XXe siècle et, en France même, jusqu’aux années 1930 (Durance, Lyonnais, Normandie, région de Rennes, Sologne, Vendée). Quelques immeubles citadins en terre demeurent habités, à Lyon et Reims entre autres. Dans le reste de l’Europe, le plus marquant est en Allemagne, à Weilburg an der Lahn (Hesse). Il a sept étages. Construit en 1820, il reste en parfait état.
Dans les pays du Tiers-Monde, hors des forêts équatoriales , le pisé était encore récemment utilisé par tous, riches et pauvres. Les seigneurs d’Arabie ou du Sahara vivaient dans leurs palais de torchis, et les sultans du Maroc édifient des mosquées importantes (Tinmal), ou l’enceinte de leurs villes impériales. Le gouverneur britannique du Nigeria faisait, en 1900, bâtir sa résidence de Kano entièrement en terre. La diffusion des matériaux modernes a, peu à peu dévalorisé les constructions de terre.. Elles restent cependant si courantes chez les peuples pauvres qu’elles y suivent à peu près l’expansion démographique.





Aït-Benhaddou, à une trentaine de kilomètres au nord de Ouarzazate

             Les tours carrées du ksar (village fortifié) s'accrochent à la montagne rouge entre grenadiers et amandiers. Après avoir franchi l'oued qui sépare la casbah du nouveau village,on grimpe vers ces vieilles maisons où vit encore une poignée d'habitants. 



Le Palais Royal en limite sahélienne - Burkina-Faso - Ornementations reprenant les motifs des moucharabiehs

Une village au sud du Burkina Faso

2. Technologie


                     La composition du matériau: les terres employées pour construire comportent toutes de l’argile, pour sa cohésion. Mais l’argile seule ne peut suffire, parce qu’elle gonfle. Il faut la mélanger à des matériaux qui limitent ces variations : le sable, le gravier et la paille, en particulier. Gorgée d’eau, l’argile perd rapidement sa résistance mécanique et devient une boue liquide. On cherche donc, lorsqu’on n’est pas sûr de pouvoir la mettre à l’abri de toute imbibition, à lui adjoindre des matériaux stabilisants : la cendre de bois, la sève de certaines plantes, l’asphalte, la chaux et, plus récemment, le ciment et même l’huile de vidange.


3. Caractères architecturaux


              La terre crue est à l’origine d’un grand nombre de types architecturaux. Dans le sud de la Chine, les vastes bâtiments collectifs ouverts sur une cour intérieure ronde ou carrée, fermés sur l’extérieur, dans lesquels vivent les communautés rurales Hakka ; au Yémen, les immeubles citadins de sept à dix étages (Shibam ) ; au Mali, les mosquées (Mopti) ; en Égypte, en Syrie, les agglomérations de mille coupoles ; au Pérou, plusieurs grandes églises baroques du XVIIIe siècle ; au sud-ouest des États-Unis, les villages indiens Hopis, Pueblos, savants assemblages de terrasses enchevêtrées sur cinq niveaux. Deux archétypes, sans doute les plus accomplis, résument l’ensemble des traits originaux de l’architecture de terre ; ce sont : la kasbah (château fort) des vallées présahariennes du Maroc, parfois immense et somptueuse comme celle des princes Glaoui à Telouet, malheureusement abandonnée à la ruine.
L'Adrère Amellal, un palais de terre
                Sous la montagne blanche de Siwa se dresse majestueusement le luxueux Adrere Amellal, édifice de charme construit uniquement à base de matériaux et de techniques ancestrales comme le kerdesh. Même les meubles sont en terre ou en palme. Afin de respecter au mieux l'environnement et offrir une atmosphère atypique à ses visiteurs, l'Adrere Amellal n'a pas d'électricité, pas de climatisation et pas de téléphone.


Le Lazulli Lodge, une maison oasienne 

              A 350 km au sud du Caire, blotti au creux des dunes de l'oasis de Bahareya, à proximité d'une palmeraie et de vergers, le Lazulli Lodge offre un lieu de vie unique au coeur du Désert Libyque, où le respect de l'environnement et de la population locale sont privilégiés.

Ville en terre au Yémen


                   Du Yémen à l’Ousbékistan, du Moyen-Orient à l'Afrique, de l’Amérique Latine à celle du Nord en passant par le Mexique et les Etats–Unis, la construction en terre crue (en opposition à la terre cuite) a permis l’édification de villes millénaires.


4. L’architecture de terre contemporaine

                      Dans les pays du Tiers-Monde, même là où la construction en terre est la mieux adaptée au climat et aux traditions, on voit souvent les nouveaux citadins, même les plus démunis, dans leur désir de rejeter leur ancien mode de vie rural, lui préférer les abris en bidons ou en carton goudronné, pourtant bien moins confortables. Il n’y a que les gouvernements de l’Allemagne, de l’Inde, du Pérou et de la Tanzanie ainsi que quelques grandes institutions internationales (Banque mondiale, Fonds européen de développement, Nations unies) qui aient favorisé le retour aux constructions de terre, sous des formes modernisées.
Quelques grands efforts d’utilisation du béton de terre stabilisée ont été néanmoins entrepris : dans les colonies anglaises et surtout en Afrique du Sud depuis 1940, pour les cités ouvrières urbaines ou minières ; dans les colonies françaises d’Afrique noire, mais à une échelle moindre, dans les années 1950 ; en Amérique du Sud et en Afrique, surtout depuis 1960 : habitations (trois mille logements économiques d’État à Marrakech [Maroc] en 1961), écoles, hôpitaux, citernes, silos.
L’essor contemporain de la terre crue ne se limite plus aux pays pauvres depuis la grande prise de conscience du gaspillage énergétique qui s’est faite dans les années 1970. Il est déjà fortement marqué dans le sud-ouest des États-Unis ; en Arizona et au Nouveau-Mexique, particulièrement, où le climat sec convient à ce matériau et où la double tradition indienne et hispanique fournit un exemple vivant, les résidences aisées sont parfois construites en adobe stabilisé (La Luz, ensemble de cent dix maisons à Albuquerque, 1974). La nouvelle attitude des couches aisées à l’égard de l’adobe favorise en retour son acceptation par les classes moyennes et les pouvoirs publics (écoles, centres culturels) : à tel point que désormais, dans les États américains du sud-ouest, on trouve une cinquantaine de petites firmes fabriquant industriellement des parpaings de terre traditionnels ou stabilisés au ciment.
En France, à la suite d’une campagne internationale de sensibilisation suscitée en 1981 par le Centre Georges-Pompidou, à l’aide notamment d’une exposition itinérante et d’un film, a commencé en 1982, dans la ville nouvelle de l’Isle-d’Abeau, l’édification d’un ensemble expérimental de cinquante logements en terre.





Village bobos
L'organisation des villages est assez intéressante aussi, et correspond bien à leur réputation mutique : les concessions sont entourées d'un muret qui donne l'impression qu'elles sont assez renfermées sur elles-mêmes, et, les murs s'enchaînant, les villages bobos donnent la sensation parfois d'être quasi impénétrables...



Les greniers sont une figure architecturale incontournable des villages maliens.
On parle souvent des greniers dogons.


Domaine de la Terre, Projet des architectes Gilles Perraudin et Françoise Jourda. L'Isle d'Abeau à Grenoble
Définition de François Cointeraux: 
"Le pisé est un procédé d'après lequel on construit les maisons avec de la terre, sans la soutenir par aucune pièce de bois, et sans la mélanger de paille, ni de bourre. Il consiste à battre, lit par lit, entre des planches, à l'épaisseur des murs ordinaires de moellons, de la terre préparée à cet effet. Ainsi battue, elle se lie, prend de la consistance, et forme une masse homogène qui peut être élevée à toutes les hauteurs données pour les habitations." 
Maison en pisé du Dauphiné, en France

5. L’avenir de l’architecture de terre



                      L’architecture de terre se présente en effet comme idéale pour abriter une humanité enfin soucieuse de préserver son avenir lointain. Elle conduirait à une importante économie d’énergie (pas de cuisson de la terre, très faible consommation de ciment ou de chaux, diminution des transports). Les pollutions qui découlent de la production seraient réduites d’autant, surtout celles qui sont issues des cimenteries. Enfin, si le béton de terre est écologiquement « propre », c’est parce que le temps peut le détruire autant de fois qu’on le souhaite. Ne laisser ni déchets ni traces indélébiles, peut-être sera-ce une ambition nouvelle pour l’architecture.


Propriété contemporaine sur la route de l'Ourika proche de Marrakech

              A 11km sur la route de l'Ourika se dresse cette propriété dans un parc de 1Ha face à l'Atlas. Conçue de façon contemporaine cette maison respecte la tradition architecturale des maisons en terre tout en arborant une ligne contemporaine. Cette propriété s'intègre parfaitement avec le paysage qui l'entoure. Cette maison face à l'Atlas comprend 3 réceptions aux lignes épurées, 8 chambres avec leurs salles de bains au rez de chaussée et 2 suites au premier étage.

L'Eglise de la Réconciliation à Berlin,  rénovée par Reiterman et Sassenroth en 2001

             L'Eglise de La Réconciliation fut détruite sur ordre des autorités de la RDA en 1985. Depuis la construction du mur en 1961, l'édifice n'était plus accessible car situé au milieu de la zone frontière.  Aujourd'hui, la Chapelle de la Réconciliation est une construction moderne en pisé érigée sur les fondations de l'ancienne église, permettant ainsi aux cloches et à l'autel d'origine de retrouver leur place d'antan.
Les deux jeunes architectes Reitermann et Sassenroth voulaient d'abord construire l'édifice en béton mais cette idée déplaisait au maître d'œuvre, lequel opta pour le pisé.


La Cathédrale de Saint-Corbinien à Evry.



                      Les constructions en terre dites « cuites » comme la brique ont toujours été présentes dans le paysage architectural de le France et ce, quelques soit les époques. Parmi les contemporaines,  on peut citer la cathédrale de Saint-Corbinien à Evry conçue par Mario Botta, spécialiste de la brique. C'est la seule cathédrale érigée en France au XXe siècle.Sa construction est le fruit de la volonté conjointe de l'évêché d'Évry-Corbeil, de l'Établissement public de la ville nouvelle et du ministère de la Culture en réponse à une population grandissante, s'élevant alors à plus d'un million d'habitants pour le département de l'Essonne.La cathédrale se présente sous la forme d'un double cylindre tronqué de 37 mètres de hauteur, couvert d'un toit transparent laissant filtrer la lumière zénithale. Selon une tradition chère à l'architecte Mario Batta, elle est coiffée d'une couronne de 24 tilleuls argentés. D'un point de vue intérieur et extérieur, elle est entièrement revêtue de briques rouges, 800 000 au total, rappelant symboliquement de nombreux passages de la Bible.


Les immeubles collectifs passifs, Le projet Salvayierra, Rennes




                   C'est avec la Coop de construction rennaise que la ville de Rennes et l'ADEME (Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie), se sont associées pour mener à bien le projet de résidence passive et durable Salvatierra, dans la banlieue de Rennes.
Son originalité réside dans l'association de techniques innovantes et de matériaux traditionnels : ossature bois, isolation en chanvre, façade sud en terre. Cet immeuble est soumis à un cadre très rigoureux en matière de consommation d'énergie pour répondre aux exigences du programme européen Céphéus/Thermie.
Le recours à l'énergie solaire pour l'eau chaude sanitaire trouve ici toute sa place en lien avec l'application rigoureuse et systématique des principes bioclimatiques (apports solaires gratuits, isolations renforcée des murs et de la toiture…), l'utilisation de menuiseries et de vitrages performants.

Pima Canyon House, Tucson, 2000-2002, Rick Joy




                      Rick Joy est un architecte américain né en 1958 dans le Maine et travaillant à Tuscon. Son travail est basé sur la sensibilité aux paysages et à l'environnement désertiques.
Rick Joy utilise pour ses constructions le pisé  stabilisé au ciment et/ou la tôle d'acier brute, ce qui confère à ses construction un aspect massif accentué par son design. Toutefois, les grandes surfaces vitrées et la qualité des finitions apporte une fluidité et une grande clarté aux espaces intérieurs.